Holy Danielle Rabehaja, une journaliste culturelle aux cordes d’art multiples

Être journaliste à Madagascar n’est pas qu’une question d’actualité, mais c’est aussi de participer aux développements du pays. Car, le ou la journaliste est le médium entre les gouvernants et les gouvernés. Son rôle est de faire passer le message du peuple aux dirigeants et le message des dirigeants au peuple. Mais, est-ce suffisant ? Notre interview du jour nous répond.

Pouvez-vous vous présenter, s’il vous plaît et nous dire ce que vous faites dans la vie ?

Je m’appelle Holy Danielle Rabehaja, je suis journaliste culturelle chez les nouvelles depuis presque une quinzaine d’années et je suis la présidente de l’Association « Opération Bokiko ». Je suis notamment photographe signant au nom d’« Ampelagie ». Cela fait longtemps que je fais ce métier. À mes débuts, j’étais chez les nouvelles en tant qu’assistante de rédaction en 2004. Cela va faire presque une vingtaine d’années, mais en tant que journaliste culturelle, je suis à mes 15 ans. Je faisais également de l’organisation événementielle, mais je l’ai laissée car c’est trop risqué. Ah la la ! Rires. Tout le monde le fait déjà, ainsi, je me suis orientée vers autre chose.

En quoi consiste tout ce tableau de métiers que vous faites, et depuis quand vous êtes dedans ?

J’étais membre de l’Association « opération Bokiko » depuis 2017, et je suis devenue la présidente depuis l’année dernière. Concernant la photographie, je suis passionnée de la photographie depuis enfant et j’effectue quelques expositions en solo un peu par-ci par-là, depuis 2016. Rires. Et je suis aussi cinéaste, parfois, je suis productrice exécutive de films tel que le film « Selfie, salle fille ». Et je suis aussi réalisatrice de films dans les séries « Novegasy » entre autres « Ratra » ou la série « Anjara diso ». Et-ce depuis 2019.

Comment faites-vous au niveau de l’organisation ?

Comment je m’organise. C’est un peu le bazar, hein. Rires. Mais, bon, c’est vrai qu’il faut savoir s’organiser avec le temps. Mais, c’est vrai que le journalisme aussi me permet d’être libre. En tant que journaliste culturelle, je suis libre de mes temps, car pendant la journée, à part les reportages, je peux faire d’autres activités. Toutefois, je ne suis pas aussi libre car des fois quand les gens sont en congé, et bien, moi, c’est là que je bosse. Précisément, le soir, je travaille en tant que journaliste culturelle. Quoique, je suis une mère de famille de deux enfants, cela aussi est un travail à plein temps, mais il faut tout gérer aussi. Rires.

Est-ce que ce n’est pas le vrai schéma du cinéma tout cela ?

En ce qui concerne le cinéma, en fait, cela ne se tient que quelques mois dans l’année. Ce n’est pas tout le temps. Donc, si je tourne une série, je serai mobilisée pendant trois mois. Et, il faut dire aussi que dans l’Association « Opération Bokiko », il n’y a pas que moi, on est toute une équipe derrière aussi. On se partage les tâches. Par exemple, pour faire certains dossiers, répondre aux dossiers. On se partage entre nous, les tâches, les budgets, etc.

Qu’est-ce qu’elle fait cette association ?

L’Association « Opération Bokiko » est une association de jeunes auteurs, Malagasy, certains écrivent en français, d’autres en malagasy. Notre objectif, c’est de re-dynamiser tous les secteurs et toutes les chaines du livre à Madagascar depuis l’écriture jusqu’à l’édition. Depuis ces derniers temps, on ne pouvait plus éditer car on nous a dit que l’Association n’a pas un statut d’éditeur, donc on a cherché d’autres perspectives pour contourner ce problème. On a fait une coédition avec TPFLM et parfois avec édition TENY.

Vous étiez partie en France, récemment, des détails ?

Oui, on a fait un stage pour le festival du premier roman et de la littérature contemporaine à Laval, en France, pendant un mois. L’objectif premier est de voir comment organiser un festival de livres. Au préalable, l’Association « Opération Bokiko » a déjà fait plusieurs activités pareilles, par exemple, nous, actuellement, on fait le salon du livre et de la culture à Mahajanga. On était, alors, parties pour voir à peu près des nouvelles manières d’organisation dans cette destination française, quelles en étaient leurs activités, mais c’est aussi un élargissement de réseau particulièrement entre écrivains et prendre de contacts d’éditeurs et des maisons d’éditions en France ou ailleurs.

Qu’en est-il pour Madagascar, alors ?

Pour Madagascar, il y a des maisons d’éditions. Il y en a beaucoup même. Mais, le problème ce qu’elles éditent seulement les anciens livres pour les écoles, elles rééditent les anciens écrivains. Peu de maisons d’éditions se lancent pour prendre les jeunes auteurs, et les lancer. Et, c’est là le problème. C’est ce qui nous a permis d’élargir notre réseau. Dorénavant, ce sera notre défi. Celui de montrer les nouveaux auteurs à l’international. Pourquoi, en effet ? Car au début, lorsqu’on s’est posé la question sur la situation et la condition de la littérature malagasy, on s’est rendu compte que nous n’avons pas de nouveaux écrivains. Il y en a, certes, mais beaucoup font de l’autoédition. Et l’autoédition n’est pas du tout, alors là, mais pas du tout, considérée au niveau du marché international. De ce fait, pour que cela soit exportable, il faut intégrer une maison d’édition.

Elle en est où la situation par rapport aux auteurs, jeunes et amateurs ?

Il y avait beaucoup de concours où j’étais jury. Et j’en ai lu des livres à ce moment-là, et j’ai constaté qu’il y a des écrivains malagasy qui arrivent à ce niveau-là, et ils sont beaucoup plus. Cependant, ils ne sont pas éligibles parce qu’ils n’ont pas de maisons d’édition qui les soutiennent de sorte qu’ils puissent s’exporter dû au fait que ce sont des auteurs d’autoédition. Et ils ne pourront pas participer au concours quand il s’agit de l’autoédition.

Notre but suite à ce festival est surtout de convaincre les maisons d’éditions de travailler avec les jeunes auteurs. Ce n’est pas qu’il n’y a pas d’auteurs malagasy chez nous, si, il y en a. Mais, c’est vraiment les maisons d’édition qui ne travaillent pas avec eux. Cela va être un défi assez énorme, mais, on espère que cela va arriver. On fait aussi la promotion de la lecture et de l’écriture. On fait des descentes dans les zones assez enclavées, reculées, si je peux dire. Dans les écoles primaires publiques, on fait des ateliers de lecture et de l’écriture.

L’Association « Opération Bokiko » est alors ?

Ce qui différencie « Opération bokiko » par rapport aux autres associations, on essaie toujours de décentraliser nos activités. Par exemple, le salon du livre et de la lecture se déroule à Mahajanga. Entre temps, on fait des tournées et de la caravane de livres. A l’exemple de l’axe Sud ; Antsirabe, Ambositra pour faire les ateliers. C’est-à-dire se concentrer sur la sensibilisation populaire à la lecture au dépens du public ou de l’audience face à soi, car c’est totalement différent de faire un atelier pour enfant et un atelier pur adulte. En France, à part le festival, on était aussi à Nantes pour faire des ateliers justement de lecture et de l’écriture avec la diaspora malagasy.

Qu’est-ce que cela vous fait d’avoir toutes ces cordes à votre arc ?

Le plus important dans tout cela, c’est de … comment vais-je bien l’expliquer ? C’est de s’amuser en même temps. Rendre l’utile à l’agréable, si vous voulez. Je m’amuse en tant que cinéaste, je m’amuse pour faire les ateliers de lecture et d’écriture avec les enfants dans le sens où cela entre dans les activités de l’Opération Bokiko. Je m’amuse aussi quand j’écris mes articles. De manière plus concrète, il faut savoir canaliser tout cela tout en s’amusant pour ne pas avoir une sorte de charge mentale. Car, si la charge mentale nous accapare, cela deviendra plus difficile à gérer. Il y aura plus de pressions quand il y a de la charge mentale.

C’est plus de la passion que du travail , alors ?

En conséquence, il faut aimer ce qu’on fait et vivre de sa passion. Et la liberté professionnelle se passera comme sur des roulettes. Il faut savoir lâcher prise à un moment et c’est très important. On se lâche, mais tout en s’accrochant. Ce n’est pas se lâcher dans l’autre sens. Rires.
Dans tout cela, il y a la vie de famille. Je joue mon rôle de mère quotidiennement, je les envoie à l’école et tout. Et moi, je ne rentre que le soir à la maison, et ce, à 23 heures tous les jours. Et je ne veux pas travailler le samedi car le dimanche je travaille déjà. Mais, si je dois travailler ce jour-là, j’emmène mes enfants car c’est le seul jour où je pourrai être avec eux toute la journée, autant les faire participer au boulot de maman ! Rires.

Des conseils pour nos lecteurs ?

Ecoutez, je vais prendre un exemple de mes organisations quotidiennes. S’il y a un projet sur le cinéma, je ne me concentre que là-dessus. Et si cela est terminé, je passe à autre chose. Si je dois faire un reportage, je vais le faire et ne va faire que cela au moment bien déterminé. Ainsi, cela ne sera pas très lourd au niveau psychique avant de changer de personnage. Rires.

Et surtout, j’habite à Ampitatafika, donc, je fais à peu près 2 heures pour aller en ville. Pour les autres, c’est assez facile pour le bus, mais pour moi, je gagne en temps car je me prépare même dans le bus pour savoir par où commencer jusqu’à atteindre la ville. Avant de descendre du bus, je sais à peu près mon emploi du temps du jour. Rires. Parce qu’à la maison, c’est à la mère de jouer son rôle car les enfants vont se plaindre de tout et de rien. C’est différent de se prendre la tête et faire son travail sérieusement. C’est de ne pas mettre de la pression sur soi, il faut toujours son travail sérieusement, c’est la clé de toute chose. Ainsi, il faut aimer ce qu’on fait.