Martin le Jaguar, un chanteur de la région Sofia qui promeut le Salegy Antosy

Le secteur musical de Madagascar est diversement riche. Avec une population se mêlant dans divers styles musicaux et dotée d’une multiplicité culturelle, la Grande île regorge aussi un répertoire bien garni allant du Salegy au Batrelaky, du Malesa au Mangaliba et tant d’autres signatures qui font la beauté de la diversité. En effet, dans ce beau tableau folklorique se trouve notre invité du jour, un chanteur venant de la région Sofia qui vient d’être honoré par un Officier de l’ordre des arts , des lettres et de la culture. C’est parti !

Pouvez-vous vous présenter, s’il vous plait ?

Je me nomme Mila Martin Silas plus connu sous le nom de scène de « Martin le Jaguar ». Je suis chanteur et claviériste depuis assez longtemps.

Comment est-ce que la musique est entrée dans votre vie ?

Je dirai depuis enfant, j’ai déjà été présent dans la musique car notre mère était la cheffe de chœurs à l’église FJKM de notre ville. Je ne pourrais pas dire autre chose sur ce choix de carrière à part le fait d’aimer la musique.

Vous avez un style qui vous colle à la peau, pourrez-vous en parler ?

Étant donné que Madagascar est une île tropicale, je signe en gardant mes traditions musicales dont l’Antosy en fait partie. Et en tant que Tsimihety aussi, le Salegy antosy est le rythme que j’ai choisi de promouvoir et de valoriser. C’est un fait ! Rires. Et dans nos valeurs, les chansons ne sont pas seulement là pour faire cadencer, les paroles sont remplies de conseils pour la société. Encore, la communauté Tsimihety prône beaucoup la solidarité et la paix.

Et si vous avez remarqué, nous aimons les chansons nostalgiques et parfois mélancoliques. Nous avons cette tendance d’écrire des textes basés sur le retour à la maison, l’envie de voir la famille, et dans la foulée, la chanson changera de tempo. Au fur et à mesure, il y a une amplification de mouvement qui rythme la douceur de la nostalgie se transformant en un « bal poussière » comme on le dit si bien chez moi.

D’après vous , que signifie ce mérite d’ Officier de l’ordre des arts , des lettres et de la culture ?

D’un point de vue personnel, je dirai l’expérience. Le fait d’avoir une certaine longévité, voire une ancienneté, fait d’un chanteur ou d’une personne dans le milieu professionnel de la scène une certaine notoriété que les autres n’en auront forcement pas. En plus, l’âge compte beaucoup pour recevoir cette démarcation, si vous voulez. Et surtout, cela renforce mon envie et mon engagement de faire plus pour la musique et de porter haut et fort le couronne musical de ma région.

Qu’est ce qui manque dans ce pays, d’après vous, pour un secteur musical épanouissant économiquement ?

Ce qui manque dans ce pays, c’est le manque d’encouragement pour les jeunes pour leur faire comprendre l’importance de garder les valeurs musico-traditionnelles. En même temps, l’Etat malgré les efforts a encore beaucoup de chemins à faire car les plateformes pour la promotion des musiques ancestrales ne sont que rares. Et la musique, la vraie, peut réunir les plus grands ennemis de tous les temps. La vraie musique, j’insiste sur ce point. Et elle est rentable et contribue beaucoup à la caisse de l’Etat, selon les normes internationales. Je prends l’exemple de Bob Marley avec le Reggae. L’impact est là, la trace est là. Elle est indélébile.

Si vous deviez faire une comparaison alors, ce sera laquelle ?

Encore une fois, je dirai que la génération actuelle et celle d’avant ne sont pas les mêmes. A une autre époque, c’était difficile de sortir une chanson car il n’existait presque pas des studios d’enregistrements, il fallait passer par la capitale, Antananarivo pour en trouver. Tout était analogique. C’était difficile de devenir célèbre, mais la valeur du travail se voit dans la composition car la beauté est inégalable et incomparable. L’on sentira toujours l’art. Cette attitude et cette force d’esprit nous a forgés.

Avant, pour composer une chanson, on allait dans un studio d’enregistrement à partir de 21h jusqu’au petit matin. Le cerveau travaillait bien. Ce n’était que des avantages. Rires. Nous étions conscients de la valeur de ce que l’on faisait, on s’y adonnait avec temps et énergie, mais surtout amour et passion pour la musique.

Vous parlez beaucoup de valeurs, qu’en sont-elles dans la musique ?

La musique est rentable, elle est économiquement potentielle. Cependant, ses valeurs cultures ont diminué avec le temps et le changement de la vie. La musique nous fait beaucoup voyager. « Rendre l’utile à l’agréable » comme la citation l’indique si bien.

Une anecdote sur le passé, l’avenir ?

Jusque-là, je n’ai eu que de bons souvenirs dans ce que je fais. C’est une passion avant d’être un travail, je ne prends les événements comme des étapes qu’il faut franchir et non des mauvais souvenirs. Beaucoup m’ont accompagné dans cette aventure et je leur sui reconnaissant, même si parfois ce n’est pas toujours rose.

Un message pour nos lecteurs ?

Aimons notre musique, travaillons-la. Ne la laissons pas mourir, mais conservons notre patrimoine musical. Comment peut-on aimer les valeurs musicales des autres et ne pas considérer les valeurs musicales de nos aïeux ? Et pour finir, je réitérerai ce proverbe malagasy qui dit « Andrianiko ny teniko ary ny an’ny hafa koa feheziko ».